Auvergne laïque n° 481 - Juillet/Août 2019 / DOSSIER

Ce que nous disent les monuments aux morts de 14/18

« Un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre »
Winston Churchill

La France compte 40 000 monuments principalement édifiés entre 1920 et 1925. En premier lieu, les sculpteurs ont cherché à exprimer dans la pierre  la victoire autant que le sacrifice   ou l’aspiration à la paix.

Ils ont voulu rappeler  aussi, sous forme monumentale,  le nécessaire devoir de mémoire.

 Ils témoignent aussi d’une  double volonté :

        – Pour les familles, c’est un moyen de vivre leur deuil qui leur permet de se recueillir ; le monument aux morts se transforme en cénotaphe, sorte de sépulture de substitution, en particulier pour les soldats disparus.

        -Pour l’état il s’agit de commémorer une victoire républicaine, d’affirmer, par le culte des héros, une existence nationale, en célébrant les valeurs du civisme et du patriotisme

Une grande partie de ces monuments conserve l’empreinte (tenace) de  la propagande nationaliste et cocardière dont on endoctrinait les jeunes soldats incorporés.

Si Certains monuments célèbrent la victoire,  d’autres disent que la victoire est amère avec un prix à payer lourd, très lourd, et vont célébrer le sacrifice et la douleur.

On compte plus de 1 800 000 victimes (civiles et militaires) et on dénombre une moyenne de 40 victimes par commune : des villages entiers sont décimés de leur jeunesse.

C’est dans le Massif-Central et la Bretagne que la mortalité a été la plus élevée, plus particulièrement dans les départements de la Lozère et de la Corrèze.

Enfin quelques monuments mettent en avant une volonté de paix.

Comment célébrer la victoire ?

Environ 30 % des monuments aux morts portent une sculpture représentant le plus souvent un soldat ou une figure allégorique de la victoire sous les traits d’une femme ou plus modestement d’une représentation de la France par le coq gaulois. La célébration de la victoire a le plus souvent pris la figure du poilu, car on pensait que c’était ce qui pouvait le mieux marquer l’imaginaire collectif.

Le poilu en mouvement, brandit une couronne de lauriers ; mais on ne représente pas seulement l’euphorie de la victoire  on peut voir dans le rictus  marqué dans le visage une certaine colère, voire de la révolte.

Pour d’autres monuments,  en lieu de représentation humaine sculptée, on a choisi plus modestement de placer un coq en tête de monument ; le coq, emblème national qui exprime le sentiment d’appartenance à la nation et qui symbolise aussi l’ardeur au combat.

Les monuments aux morts utilisent souvent des figures féminines pour évoquer la douleur de la perte des jeunes hommes au combat, il est des cas assez rares où la représentation féminine évoque la victoire.

La victoire que l’on célèbre est rarement triomphante en raison du trop grande nombre de soldats qui sont tombés au combat : la victoire ne peut être que triste .

Si bien des monuments semblent illustrer la légitimité du sacrifice des combattants, d’autres  montrent la détresse absolue de leurs proches : on veut dire que la mort de ces jeunes hommes est un drame absolu. On glisse vers un pacifisme qui n’est pas toujours complètement affirmé.

DIRE LA VOLONTE DE PAIX

D’autres monuments affirment plus résolument leurs orientation pacifiste ; ils appellent ouvertement à la fin des guerres. « Plus jamais ça ! » semblent-ils proclamer.

Un certain nombre de commune ont délibérément fait le choix de ne pas donner dans la symbolique triomphante mais elles ont voulu dire l’absurdité de la guerre…Jusqu’à affirmer un violent réquisitoire contre la guerre (comme le monument de St Martin d’Estréaux vandalisé à plusieurs reprises) ; ou encore le monument de Gentioux. dont le héros est un enfant qui désigne,  de son poing fermé, l’inscription « maudite soit la guerre ».

A Riom, « la synthèse impossible » entre les 3 « fonctions »  des monument se  traduit par l’existence de trois monuments différents : celui de la victoire (particulièrement monumental), celui de la douleur en hommage aux victimes dont le nom est affiché, et le monument en hommage aux fusillés pour l’exemple, résolument antimilitariste.

QUELQUES MONUMENTS INSOLITES

         

A Royat,  un monument du sculpteur clermontois Raoul Mabru montre, dans une œuvre sculpturale flamboyante autant que pathétique   la détresse d’une famille de paysans auvergnats ayant perdu leur fils à la guerre et laissant une veuve et une orpheline. La représentation de la mère en prière atteint le sublime d’une piéta de Michel-Ange.

        A Vichy , on a figuré un soldat portant une  cage avec des pigeons,  hommage au sacrifice des pigeons messagers. Un monument leur est d’ailleurs consacré à Lille.

        Le monument de la Forêt du Temple est le seul à porter, parmi le nom des victimes de la guerre,   le nom d’une femme : Emma Bujardet, avec la mention « morte de chagrin »,  gravée sur la stèle sous les noms de ses 3 fils morts au combat. L’initiative fut farouchement condamnée par les associations d’anciens combattants ; lamentable manifestation de l’endoctrinement militaire auquel bien des monuments apportent un démenti bouleversant.

Texte extrait du commentaire accompagnant le DVD de l’atelier -photo)