Auvergne laïque n° 485 - juillet 2020 / DOSSIER

Allo Docteur, ici l’Hôpital Public, je suis malade…

Dossier constitué par Roland Moulin

Retour vers l’anormal…

« Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, [pour] notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. »

            Quel est donc l’auteur de cette prose,  ce dangereux gauchiste, cet inconscient aventureux, ce rêveur impénitent et frivole ? Emmanuel Macron dans son allocution du 12 mars dernier. Preuve est donc faite que concernant l’hôpital, on peut dire une chose en faisant son contraire.

            La parole publique est donc en faillite. Bien que ce dossier ait pour objet l’état des lieux avant Covid, la triste réalité de ce jupérien mépris à l’adresse de l’Hôpital Public et de ses personnels trouve dans l’actualité une insupportable résonnance : la nomination du technocrate Jean Castex au poste de Premier Ministre de la République ou plutôt de ce qu’il en reste. 

            Avec ses 200 000 € d’argent public perçus chaque année, cet énarque, ancien directeur de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos) au ministère de la santé et des solidarités, est l’un des pères de la tarification à l’activité (T2A), mode de financement des établissements de santé français issu de la réforme hospitalière du plan Hôpital 2007, en partie responsable de la situation actuelle des hôpitaux.

Pour conclure

                Quand l’obsolescence de notre système sanitaire conduit à faire payer à la Sécurité Sociale une cure médicamenteuse de 41 000 € ramenés à 28 700 € après marchandage avec le laboratoire américain qui la propose, ce n’est pas le système hospitalier seul qui est en péril. C’est la sécurité Sociale elle-même qui risque de vaciller jusqu’à la chute.

                Le bon goût de mourir à 50 ans n’étant plus trop respecté, d’aucuns ont la mauvaise idée de regarder ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique. Démonstration y est faite du fiasco d’un système de santé privatisé et à son déterminisme technologique. On aurait pu espérer que la récente crise sanitaire mette un peu de sagesse dans la tête des chantres du libéralisme médico-industriel.  Mais la remontée des informations post-covid montre que les ARS continuent leur besogne de démantèlement de l’hôpital public. Il est à craindre que le rattrapage des salaires des personnels soignants ne change rien aux choix politiques mis en œuvre.

Et la sympathique infirmière n’a sans doute pas fini de promener sa pancarte peinte en rouge 

« RETOUR VERS L’ANORMAL »
Source : Frédéric Pierru  in Le Monde Diplomatique, octobre 2019