Auvergne laïque n° 479 - Mars/Avril 2019 / DOSSIER

Chronologie de l’enseignement privé en France

L’existence d’un enseignement privé solidement implanté dans notre pays, et dans les mentalités, les lois et dispositions successives dans l’histoire qui l’ont favorisé et lui ont accordé de plus en plus d’autonomie (voire d’autorité) constitue pour les défenseurs de la laïcité une situation insupportable.

La question de l’enseignement privé en France nait en 1806, lorsque Napoléon Premier fait de l’Université un monopole d’État  sur l’enseignement. Jusqu’à la fin du XXe siècle, cette question est l’objet de vifs débats dans lesquels les défenseurs de l’école privée introduisent une ambiguïté, considèrant la possibilité d’avoir des établissements privés comme une conséquence naturelle des libertés de conscience, d’expression et d’association.

C’est peut-être la raison pour laquelle, avant les années 80 ; et devant la mobilisation colossale contre le projet Savary, les adversaires de l’enseignement privé avaient adopté comme slogan cette affirmation paradoxale « l’école libre, c’est l’école laïque ». C’est depuis cette époque que l’école privée semble avoir renoncé à l’appellation d’école libre.

Quand on examine la chronologie de l’enseignement privé, on comprend alors « la grande peur » de l’Eglise et des catholiques face aux lois de 1905. Ces lois allaient les priver d’un monopole important, à savoir la main mise sur l’enseignement, et par conséquent d’un pouvoir d’endoctrinement. Par la loi de séparation, l’Église perdait un large terrain où s’exerçait sa propagande.

  • 10 mai 1806 : loi de création de l’Université napoléonienne ;
  • 17 mars 1808 : décret définissant le monopole de l’Université sur l’enseignement primaire, secondaire et supérieur ;
  • 28 mars 1833 : loi Guizot, instaurant la possibilité d’existence de l’enseignement primaire privé ;
  • 15 mars 1850 : loi Falloux, renforçant la possibilité d’existence de l’enseignement primaire privé et instaurant celle de l’enseignement secondaire ;
  • 12 juillet 1875 : autorisation de la création de facultés privées ;
  • 18 mars 1880 relative à l’enseignement supérieur privé et interdisant l’usage du terme « université » pour les établissements d’enseignement supérieur privés ;
  • 28 septembre 1951 : loi Marie, qui permet de faire bénéficier de bourses d’État les élèves de l’enseignement privé ;
  • 31 décembre 1959 : loi Debré, modifiée mais pour l’essentiel toujours en vigueur (voir supra).
  • juin 1984 : projet de réforme d’Alain Savary : regroupement des enseignements privés et publics. À la suite du mouvement de l’École libre de 1984, le projet est retiré, et entraîne la chute du gouvernement Mauroy.

La possibilité pour les structures privées d’enseigner fait partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977).

Les rapports actuels entre l’État et les établissements privés sont quant à eux fixés par la loi du 31décembre 1959 dite « Loi Debré » que l’on trouve dans le Code de l’éducation[5].

 L’ « enseignement privé » dans son ensemble est reconnu à travers des organes consultatifs pour lesquels il désigne des représentants.

Il semblerait, à travers cette chronologie, que l’école privée (se modelant sur les postures de l’église catholique) a tenté inlassablement de reconquérir ses territoires perdus, et gagnés par la laïcité ; Tentatives largement favorisées par les mesures des différents gouvernements pas toujours conformes à la loi de 1905, comme le montre le texte de Robert Duguet que nous publions. 

Cette liberté usurpée est peut-être aussi à l’origine de la multiplication, dans notre république laïque, d’un grand nombre d’écoles assujetties à une idéologie religieuse qui se targuent de favoriser très largement la réussite d’élèves rejetés par l’école républicaine. Autrement dit, maintenant dans la polémique, des ambiguïtés dangereuses propres à abuser les citoyens.

Dans un discours prononcé le 5 décembre dernier, Pierre Tournemire rappelle le devoir laïque de l’état dans l’organisation de l’enseignement :    « Il est donc pour nous prioritaire d’agir pour que soit mis en œuvre, réellement, complètement et partout la loi de Refondation de l’École.

Ces nuances d’appréciation sur les priorités à mettre en œuvre n’empêchent pas d’exiger ensemble que l’État mette, sans attendre, un terme à toutes les dispositions et tous les moyens privilégiant l’enseignement privé au détriment de l’enseignement public et qu’il s’assure que, sur l’ensemble du territoire, soit remplie son obligation d’organiser l’enseignement gratuit et laïque. De même,  les financements publics de l’enseignement privé doivent être assujettis à des contreparties contrôlées ».