Auvergne laïque n° 480 - Mai/Juin 2019 / EDITO

Le parvis de Notre-Dame

        Frappés de stupeur et de chagrin, les chrétiens du monde entier se sont rassemblés pour partager leurs larmes et leurs prières devant  l’incendie qui a ravagé la plus célèbre et la plus belle de leurs cathédrales. Mais bien d’autres femmes et bien d’autres hommes les ont rejoints pour exprimer leur consternation, et leur douleur, indépendamment de leurs croyances, et au-delà de toute forme de fanatisme. Malgré le caractère profondément religieux de l’édifice, les chrétiens ne se sont pas arrogé le monopole de l’affliction ;   c’est ainsi que le parvis de la cathédrale s’est étendu dans le monde entier et que l’incendie a provoqué un élan immense de fraternité véritable. Tout a été dit sur l’ampleur de la catastrophe et la volonté de restauration dont témoigne le président de la république ne suffit pas à consoler les Français. Voilà qu’ils prennent conscience de leur histoire, qu’ils mesurent la beauté de leur patrimoine, qu’ils se souviennent de Victor Hugo, des personnages et des intrigues imaginaires dont il a enrichi ce chef d’œuvre de l’art gothique.

        Mais voilà aussi qu’éclatent les polémiques et que s’amorcent des récupérations politiques destinées à entretenir le prestige de quelques élus, dont le président de la République qui a bénéficié d’une soudaine remontée dans les sondages, aussi fulgurante que l’incendie.

        Ce que nous retiendrons de la catastrophe, outre les dégâts qui ont détruit, en quelques heures et à jamais,  la splendeur architecturale de Notre-Dame, qui ont  réduit à néant les efforts et les talents des bâtisseurs de cathédrales, « les obscurs, les sans-grade » qui ont couvert la France de tant de merveilles au prix d’efforts qu’il est, aujourd’hui, difficile de concevoir ; ce que nous retiendrons, c’est la manifestation éclatante de l’élan fraternel  qui a rassemblé tous les hommes dans le même chagrin, la même révolte. Nous voulons y voir  la manifestation  d’une laïcité universelle qui, évitant « les querelles de clochers » et respectueuse des chefs d’œuvre et des symboles,  a permis ce rassemblement pour s’affliger d’un vrai sacrilège, déplorer l’injure faite à la beauté d’un patrimoine et  à l’histoire des hommes. Rien ne rendra à l’édifice la splendeur de ses commencements, mais ce que les hommes ont accompli d’autres hommes peuvent aussi, avec d’autres techniques, le réaliser et réussir une restauration qui sauvera et l’architecture et l’âme de l’édifice. Mais dans ces panaches de fumée s’élevant dans le ciel de Paris devant les foules incrédules, quelque chose s’est définitivement perdu qui pourrait bien être une forme de génie, une manière d’éternité.

Pour le Comité de rédaction :
Alain Bandiéra