Lire et faire lire dans un CADA

24 janvier 2020

Une lectrice témoigne d’une expérience de lectures auprès d’enfants réfugiés et leurs familles dans un Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asiles (CADA). Un bel exemple à suivre…

Eliane Laguet lectrice « Lire et faire lire Â» activement impliquée dans l’opération depuis 19 ans, à Clermont-Ferrand et à Giat, lit des histoires aux enfants de l’école élémentaire au collège. En 2017, elle commence à lire aux enfants réfugiés accueillis à Giat, une petite commune rurale de 900 habitants située dans le département du Puy-de-Dôme. Elle nous raconte.

L’idée d’intervenir auprès des enfants réfugiés et de leurs familles, les mamans essentiellement, est née à la bibliothèque lorsque j’ai rencontré Maëva Colson, une responsable du Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA).

Le 28 avril 2017 nous décidons de débuter l’expérience et nous organisons une première séance de lecture qui aura lieu dans les locaux du CADA de Giat pour les enfants scolarisés en primaire - j’en connais certains - et les parents. Je lis une demi-heure pour un groupe de 10 personnes environ.

J’ai mis dans mon sac et j’ai lus :

  • Petit bleu et petit jaune, Léo Lionni (pour la compréhension facile)
  • La grenouille qui avait une grande bouche, Keith Faulkner (pour la surprise finale : un succès !)
  • Un petit trou dans une pomme, Giorgio Vanetti (pour le vocabulaire des fruits et des animaux. A lire en montrant ce dont on parle. Bonne participation, les enfants faisaient les traducteurs pour les mamans).
  • Salut !, Perrine Dorin (pour le comptage et les répétitions. Lecture du début et gestes appropriés par les enfants).
  • La tache attaque, Jean Gourounas (pour la compréhension de la situation)
  • Merci le vent, Edouard Manceau (pour le jeu qui va avec. Exécution avec applaudissements !)

Des livres dans mon sac mais pas lus :

  • Chouette pas chouette, Jeff Mack (participation, répétitions)
  • Le magicien des couleurs, Arnold Lobel (pour des plus grands)
  • Y a-t-il un chien dans ce livre ? Viviane Schwartz (pour jouer avec les volets. Déjà vu en classe.)

Trois mamans étaient présentes ainsi que Maëva. Je connaissais tous les enfants. Ils ont interpellé leurs mamans pour les faire participer. Une maman n’était pas coopérante et s’est éclipsée en cours de séance c'est Ramadam qui gère le groupe. Maëva a pris des photos et elle a distribué des livres et des revues réclamées par les enfants, en donnant des recommandations aux mamans.

Le 2 août 2018 après plusieurs réflexions nous avons décidé de sortir dans Giat durant les vacances. La séance de lectures a eu lieu à 10h à l’arborétum avec la présence de Gérard et Geneviève Goulay (propriétaires) ainsi que de Jeanine Barbarin, bénévole à la bibliothèque. Claudine Moulin, amie lectrice de « Lire et faire lire Â» est venue avec ses tapis à histoires.

J’ai retrouvé les mêmes enfants que la première fois ainsi qu’un papa et des grandes sœurs.

Les histoires racontées :

  • J’ai chaud, Mako Taruishi (un thème d’actualité et la possibilité de mimer)
  • Au jardin fruitier, Nicolette Humbert (un imagier)
  • Pas de loup, Jeanne Ashbé (des onomatopées avec des surprises sous les volets)
  • Le ruban, Adrien Parlange (pour l’imagination)
  • Diapason, Laetitia Devernay (un album à déplier, à imaginer et interpréter)
  • Tapis Ã  histoire : Roule galette de Natha Caputo par Claudine

Pour créer un imaginaire, un cadre propice à la lecture, nous avons accueilli les familles par une envolée de bulles de savon. Nous avons distribué des visières de « Partir en livre Â» et des autocollants. Avant de partir ils ont bu et mangé deux bonbons gélifiés. Ce fut une réussite, tout le monde s’est fait plaisir. La présence des parents était très importante et a bien influencé le comportement des enfants. Des photos ont été prises par Jeanine et Maëva.

Le 16 août 2018 nous avons recommencé avec les mêmes familles à la Motte Castrale de Giat. Maëva était présente mais nous pouvons regretter que personne ne soit venu de la bibliothèque.

L’accueil des enfants et des parents s’est fait en musique médiévale durant la montée des 48 marches numérotées à la craie. Avec l’affiche du « chevalier Lire et faire lire Â», des tapis au sol, des livres disposés sur une table basse, un ordinateur pour mettre de la musique, deux fauteuils, des chaises car certains ne veulent pas s’asseoir au sol, des ballons en forme d’épée, des couronnes, des coffrets, j’ai réalisé une petite « mise en scène Â», un décor pour installer les lectures.

J’ai commencé par raconter simplement La Légende de la Motte extraite du livre de Marcel Bénézit, Monographies des villes et villages de France. Vie rurale en Auvergne et à Giat, que j’ai associé à un récit tiré d’un livre documentaire jeunesse Vivre au Moyen-Age (Nathan).

Puis j’ai fait la lecture de l’album Chhht ! de Sally Grindley à voix basse, avec des mimiques, l’ouverture des volets tout en ménageant le suspense jusqu’à la rapidité du final.

J’ai ensuite lu l’album Blanche Neige et les 7 nains (Disney). L’évocation du dessin animé encourage la participation. J’aménage une petite pause au milieu de l’histoire pour revenir sur les noms et la personnalité de chaque nain. Ces derniers ont été fabriqués en marottes et cachés dans la deuxième partie du livre. Pour la compréhension, associer du visuel et de l’auditif est important. Cela permet aussi de rythmer la lecture.

J’ai poursuivi avec l’album Rêves de princesses de Gautier Languereau et ses images toutes en dentelles pour évoquer des histoires d’amour et de Prince charmant, avec même des chansons appropriées.

Pour finir, je lis un grand album qui donne la priorité à l’image page de droite commentée par le dialogue de deux personnages page de gauche : Le bois dormait de Rebecca Dautremer. Commentaire à lire au début et découverte d’un conte à la fin. Interaction finale.

Enfin, je termine la séance en ouvrant le coffret de Blanche Neige contenant… des bonbons. Distribution d’épées ballon et quelques surplus pour en réaliser après démonstration. La séance aura duré 1 heure.

Le 30 octobre 2018 une quatrième séance était prévue à la bibliothèque de Giat. Elle a été annulée pour cause de mauvais temps.

Nous avons choisi des lieux touristiques - l’arborétum et la motte castrale - pour sortir les enfants du CADA, les éveiller à ce qu’il y a autour d’eux.

Pour le choix des livres, je lis les mêmes livres à tous les enfants et je les lis de la même façon. Pour moi, ça ne change pas. Je ne vais pas me mettre à parler leur langue. Pas de barrière de langue. Ils l’ont toujours la barrière de la langue, dans leur quotidien. Je ne leur fais pas un traitement à part. C’est pareil pour les lectures.

Depuis la rentrée, nous envisageons de reprendre ces rencontres en y faisant participer des enfants du village ou des alentours avec leurs familles.

La cohabitation nous plairait bien. C’est quand même dommage de les mettre à part ces enfants. Il faudrait pouvoir les accueillir pendant les vacances avec les « enfants locaux Â». Pour cela, il faudrait qu’il y ait les parents. Mais est-ce qu’ils feraient l’effort ? Nous avons une problématique liée au transport et aux disponibilités. Les enfants se côtoient à l’école où je les accueille mais les familles ne se côtoient pas.

Nous devons réfléchir avec les bénévoles de la bibliothèque ou la Communauté de Communes. Quelle accroche ? Partir en livre ? Nuit de la lecture ?  Semaine de la poésie ? Â».

Un grand merci à Éliane pour ces premiers pas au CADA mais également à Maëva. Sans elles, rien n’aurait eu lieu. Tout commence par des rencontres et des bonnes volontés.

Pour tous renseignements, contactez le service au 04 73 14 79 08/ lireetfairelire63@fal63.org